Unity Klan - Eternal Funk

Chronique :


C'est en 1997 que Big J, Da'Rebel & Jaz partent en mission, l'esprit investit d'une foie sans pareille. C'est donc à San Diego que leur périple débute, la tête au royaume des cieux, animé ou aveuglé (c'est selon) par une volonté céleste et divine. Le Christian Rap est une tendance qu'on ne peut ignorer. Prenant le contre-pied des préceptes même du Gangsta Rap, condamnant les modes de vie ternies par le vice et autres tentations, ils rendent un culte à Dieu, véhiculant messages de paix et autres idéologies salvatrices, au travers des couplets tranchants. On pourrait y voir une forme de prosélytisme, mais je crois qu'à l'instar du Gospel, le but escompté est surtout une confession personnelle déposée sur des productions inspirées de Funk et de Soul. Car si les textes diffèrent totalement de nos courantes histoires de putes, de gangs et d'existences cernées par la drogue, le sexe et divers menus larcins, il faut reconnaître que le Christian Rap a toujours étonné de par ses productions riches et fouillées. De nombreux groupes furent les fers de lances de cette ramification sacrée. Ainsi, Gospel Gangstaz, CMC's ou encore Str8 Young Gangstaz furent les principaux représentants. Bien sûr, beaucoup d'autres agitèrent également l'étendard religieux, et si on parvient à faire abstraction de cet aspect finalement comique par bien des traits, la qualité est alors indéniable. C'est donc sur le label "Rescue Records" que nos pieux et vertueux MCs entament leurs croisades, avec la ferme conviction de diffuser la vérité, prêcher la bonne parole. On peut aisément affirmer que le premier opus de notre trio en quête d'expiation, est assurément illuminé par les projecteurs libérateurs d'une G-Funk authentique. A la production, on retrouve donc The Mad man, Blue ainsi que T-Boy. Dans la pure tradition des sorties sud californiennes du milieu des années dorées, on assiste à des sonorités très prononcées, influencées par de nombreux registres. Ainsi, le caractère acoustique est fortement développé avec une véritable recherche de mélodie. Les instruments sont pléthores. La guitare de Eric B. est omniprésente, soutenant les frasques enflammées d'une basse inspirée. Les sirènes, parfois stridentes, tantôt chantantes se tressent autour des flows acérées de nos protagonistes. On dénote même la complainte mélancolique du saxophone (Can You Feel It) qui vient sonner comme une caresse délicate. Certains morceaux sont indubitablement G-Funk (Keep On, Holy Ride) où les flûtes, légères et graciles, soulignent des chœurs somptueux. On saluera la maîtrise aux claviers des producteurs talentueux, qui parviennent à élaborer des compositions innovantes, rarement linéaires. Les cordes se font insistantes, puis s'effacent doucement pour le gémissement des sifflets au profit des refrains soudains, nous éclaboussant dans une gerbe d'harmonie, distillé au fil des plages. Quelques titres plus sombres sont également à commenter. "Mobbin" avec son ambiance plus Mobb, ou "Jesus In Tha House" porté par le grondement furibond du talkbox de The Mad Man. L'écoute se fait naturellement, et peu de titres sont à proscrire. Assez régulier et complet dans l'esprit et l'ensemble général, la production est travaillée avec dextérité. Concernant le flow de nos congréganistes, il s'avère plutôt bon. Classique mais appliquée, c'est une diction éloquent et élastique qui nous est servie. Les phases sont nombreuses et assurément phonétiques. Le Christian Rap, fidèle à son concept, propose un grand nombre de chants et autres chœurs. Le Klan ne déroge pas à la règle, et on se ravit d'entendre les voies calmes et musicales se relayer pour accroître la qualité. C'est pourquoi Tonex, Kya, Rosa, Blue, Chariss Harper, The Martinez Sisters, & Jaz nous octroient des couplets de toute beauté, empreints de Gospel, teintés de tristesse et parfois même d'amertume. Peu de collaborations, si ce n'est l'apparition des CMCs sur une piste, apposant leurs timbres appuyés pour un morceau efficace.En définitive ce "Eternal Funk" est à mes yeux un très bon album, foncièrement G-Funk quoiqu'on en dise. En dépit du fait que les textes sont ridicules par bien des manières, ressortant comme une apologie au seigneur, il faut cependant y faire abstraction, et n'y qualifier que la musique qui s'en dégage. Ne faisons pas les fines bouches, la G-Funk, authentique, se fait rare. Unity Klan nous propose donc sa vision des choses, et pourtant à des années lumières d'adhérer à leurs propos parfois équivoques, je m'incline (sans pour autant me prosterner) cependant devant la qualité du travail de ce Funk éternel. Le souci est que si l'album avait été l'œuvre de véritables gangsters des bas quartiers comme nous l'apprécions, nous aurions eu à faire à un indéfectible classique sur bien des points. Quoiqu'il en soit, c'est un album à posséder.

~ Sharingan Masta ~

Note : 17/20
Disponibilité : Rare.

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