Bigg Riggaz - Mobfigures

Chronique :


Louisville, Kentucky, 1999. Une année fertile pour une scène unique, à l'identité forte et atypique. Coalition avait marqué nos esprits. Combinant la musicalité des agréments électroniques aux douceurs des instruments véritables, la symbiose était parfaite. Les relents de tristesse, se mélangeaient aux rythmes effrénés des rimes tranchantes et imparables du tandem accompli. Malheureusement, comme toute sortie locale et anonyme, ce seul échantillon d'une musique si singulière, restait orphelin. Toutefois, quelle ne fut ma surprise lorsque mon oreille se pencha sur l'album des Bigg Riggaz ? Les premières notes nous frappent avec violence. Les sonorités singulières que nous proposait la Coalition, nous percutent comme un flash lumineux. En effet, producteurs, chanteurs et membres de la Coalition enregistrèrent parallèlement en 1999 le projet "Mobfigures" sur "Bigg Rigga Records". Continuité même, ou miroir de l'opus que nous affectionnons tant, le collectif ici présent, crème de la scène de Louisville nous revient donc la même année pour un chapitre plus confidentiel encore. Et bien que noms et pseudonymes diffèrent, on retrouve Tone, rebaptisé Treddy pour l'occasion (Feel étant absent de l'album). Les vocalistes du groupe Uncut sont également là, disséminant leurs chants si particuliers. A la production, Dre (qui à l'écoute, on le comprend clairement, était déjà investi sur Coalition), œuvre donc seul. Les réalisations bien que sombres et mélancoliques, affichent toutefois une richesse exemplaire. Les ingrédients et artifices comme le souffle du vent (on se rappelle l'incroyable "Ride & Smoke") où les rythmes saccadés portés par les sifflets légers et pleurants sont abondants. L'album voit donc le jour en 1999 simultanément à celui de Tone et Feel. Bigg Riggaz, davantage un groupe de chanteurs et de producteurs comprend donc Treddy, Trig, Lil Profit, Dre et O.G. Cat, instigateur du projet. Le tout sera enregistré au "Cameal Studio", mixé par Will Key pour "Southside Productions". C'est une écoute qui s'inscrit donc dans les sorties baignées par une ambiance tranquille et soyeuse. On recense encore une fois, un grand nombre d'instruments. La fragilité du piano se heurte aux montées graves du moog qui vrombit avec appui. Les nappes aux claviers, douces et nostalgiques se déposent avec une candeur brumeuse. Basse et guitare se chamaillent également et les sirènes, stridentes ou chantantes se succèdent avec frénésie. Dre à su imposer une griffe et un doigté particulier au travers deux albums de légendes. Les ambiances et les atmosphères voyagent et se délivrent avec une sensibilité étonnante. On alterne entre des ambiances festives où les accents mobb sont fortement employés et des esprits plus tristes où les émotions, intenses, pleuvent sur les réalisations comme de douloureux souvenirs. "Shawnee Park" est une véritable bombe emmenée par les rugissements du moog gras et massif. Les notes de piano viennent alléger la fermeté d'un tempo rude alors que le refrain soyeux, presque doucereux nous surprend par sa saveur évanescente. "Dead Or Alive", "Can't Let Go" ou encore "Skyz The Limit" nous ramène dans les sphères célestes de la Coalition où la brise, délicate, siffle dans les feuilles légères. Les morceaux se suivent avec régularité. Les pistes calmes apaisent l'écoute d'un titre énervé, puis laisse place aux réalisations joyeuses, dans une concorde habile. Concernant le flow, mention spéciale pour Treddy (Tone) qui comme il le fit avec son comparse Feel, nous administre une élocution époustouflante. Rapide, il accélère puis saccade sa rime en hachant vers et phases avec brio. Il s'adapte avec talent sur chacune des productions, s'accaparant la mélodie et explosant de son verbe. Le reste des troupes est efficace également, avec son lot de couplets ajustés. James Crawford et Lamont Connor assurent les parties chantées. Leurs timbres magnifiques jouaient beaucoup dans le constat final de l'album de la Coalition. Une fois encore, les chœurs somptueux que nous administrent ces deux chanteurs de génie, accroissent la dimension acoustique et émotionnelle que nous procure l'écoute. La finesse des refrains subliment un travail de composition déjà fortement inspiré.Les Bigg Riggaz marchent sur les traces de la Coalition. Continuité parfaite, tant dans les réalisations que dans les phrases qui s'enchevêtrent avec grâce, on assiste à un chapitre de très grande qualité. Outre le plaisir immense que procure le fait de retrouver pareil grain, l'essence même du Kentucky transpire à travers l'album. C'est encore et indéniablement un excellent chapitre d'une scène tragiquement oubliée.

~ Sharingan Masta ~

Note : 17/20
Disponibilité : Ultra rare.

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